\chapter{Ordre de grandeur, erreur et incertitudes}
\section{Ordre de grandeur}
\section{Écart et erreur}
On peut facilement déterminer l'écart entre deux valeurs $a$ et $b$ par leur différence $a-b$. On peut, par exemple, mesurer la longueur $L$ des baguettes de pain vendues par un boulanger et déterminer les différents écarts entre elles. Par exemple, on pourrait avoir une série de mesures telles que celle données dans le tableau \ref{baguettepain}.
\begin{table}[ht]
\centering
\caption{La longueur des baguettes de pain}\label{baguettepain}
On voit immédiatement que le calcul des écarts pose un problème : il faut déterminer les écarts entre chaque baguettes deux par deux. On peut le faire. Mais quel sens cela a-t-il ?
Par contre, déterminer quel est l'écart à la moyenne des baguettes est plus instructif. La moyenne vaut \unit{62}{\centi\metre} et la seconde colonne du tableau \ref{baguettepain} présente les écarts. On voit alors facilement que l'écart ne dépasse pas \unit{5}{\centi\metre}. Ce qui peut avoir de l'importance si on a faim.
Par ailleurs, si on sait que le boulanger avait décidé de faire des baguettes de \unit{60}{\centi\metre}, on peut se poser une autre question : quel est l'écart à cette valeur ? La quatrième colonne y apporte une réponse. Comme on utilise ce qu'on peut appeler une référence, on parlera d'\emph{erreur}, plutôt que d'écart. Ce qui est alors intéressant, c'est qu'on voit que le boulanger à tendance à faire des baguettes trop grandes. Cela peut avoir une importance pour lui s'il a prévu un budget précis de matières premières pour des baguettes de \unit{60}{\centi\metre}. Cela permet aussi de s'interroger sur la règle utilisée par le boulanger pour estimer la longueur des baguettes. Comme ses baguettes sont trop longues, on peut penser que sa règle est aussi trop longue, ce qui peut avoir pour conséquence une mauvaise estimation de la longueur de la baguette par le boulanger. On parlera alors d'une \emph{erreur systèmatique}\index{erreur systématique} induite par un matériel mal calibré. Ce type d'erreur se détecte par la présence d'une importante quantité de signes systématiquement positifs ou systématiquement négatifs dans les écarts. En effet, si la règle avait une longueur correcte, l'erreur faite par le boulanger devrait être aléatoirement répartie autour de la valeur de \unit{60}{\centi\metre} et les signes positifs et négatifs des écarts devraient être en nombres à peu près identiques.
Évidemment, la moyenne des écarts à la moyenne est nulle, cela par définition, alors que la moyenne des erreurs ne l'est pas en présence d'une erreur systématique.
Figurent aussi dans le tableau \ref{baguettepain} les écarts et erreurs relatifs en pourcents. Il s'agit du rapport entre l'écart et la valeur de référence : la moyenne pour l'écart et \unit{60}{\centi\metre} pour l'erreur. Autant pour l'écart que pour l'erreur, on a donc :
\begin{equation}
e=\frac{val-val_{ref}}{val_{ref}}\cdot 100
\end{equation}
\begin{table}[ht]
\centering
\caption{La longueur d'autres baguettes de pain}\label{baguettepain2}
Ces indications sont importantes si on désire comparer la production de deux boulangers dont la longueur de la baguette de référence n'est pas la même. Considérons le tableau \ref{baguettepain2} qui décrit la production d'un boulanger dont la baguette de référence est de \unit{40}{\centi\metre}. On voit que la moyenne des écarts est nulle comme pour le boulanger précédent. Ce qui est normal en raison du choix de la valeur moyenne comme référence. On voit aussi que la moyenne des erreurs est la même et qu'il y a une grande systématique dans celle-ci, puisqu'elles sont pratiquement toutes positives. Cela signifie probablement, comme précédemment, que l'appareil de mesure à un biais, que la règle utilisée est trop longue. Par contre, on voit grâce à la dernière colonne donnant l'erreur relative que celle-ci est plus importante pour le second boulanger. Cela s'explique facilement. En effet, l'erreur moyenne est la même, mais la baguette de référence du second boulanger est plus courte (\unit{40}{\centi\metre}). Ainsi, malgré la différence de longueur de la baguette de référence, l'erreur relative permet de comparer les erreurs des deux boulangers.
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Imaginons maintenant qu'on s'intéresse à la production annuelle de baguettes d'un boulanger, soit des centaines de baguettes. Il devient difficile de les représenter dans un tableau, surtout si on fait des mesures d'une précision supérieures au centimètre. On peut alors réaliser des classes de mesures en mettant par exemple, toutes les baguettes entre \unit{42,5}{\centi\metre} et \unit{43,4}{\centi\metre} dans la classe des baguettes de \unit{43}{\centi\metre}. En procédant de la même manière pour les autres valeurs, on peut alors obtenir des mesures comme celles présentées dans le tableau \ref{enclassementbaguettes} où L est la longueur des baguettes et n le nombre de baguettes dans la classe associée à cette longueur, soit la fréquence d'apparition de la longueur.
\begin{table}[ht]
\centering
\caption{Des centaines de baguettes de pain}\label{enclassementbaguettes}
\begin{tabular}{|c|c|}
\hline
\textbf{L}& n\\
\centi\metre& -\\
\hline
38 & 53\\
39 & 72\\
40 & 95\\
41 & 121\\
42 & 130\\
43 & 118\\
44 & 90\\
45 & 67\\
46 & 44\\
\hline
\multicolumn{2}{|c|}{Moyennes}\\
\hline
41,9 & -\\
\hline
\end{tabular}
\end{table}
La moyenne \(\mu\) de la longueur des baguettes est alors calculée ainsi~:
plot "Annexe-Incertitudes/Images/baguettesgauss.dat" with boxes
\end{gnuplot}
\end{figure}
Sur un grand nombre de mesures, la notion d'écart devient difficile à gérer. On utilise alors celle d'écart type\footnote{Le -1 apparaissant au dénominateur de la fraction de l'écart type vient d'une estimation de l'écart type (ou variance) de la population des mesures basée sur un échantillon de celle-ci. Pour bien le comprendre, il faut évoquer le calcul des probabilités et la notion de variable aléatoire, ce qui dépasse le cadre de ce document. Vous trouverez des informations sur internet.} définie par~:
Il s'agit de la moyenne des écarts quadratiques, soit de la racine de la moyenne des écarts au carrés. L'élévation au carré permet de ne pas tenir compte du signe des écarts.
On peut alors affirmer qu'une forte proportion de la longueur L des baguettes se trouve entre \(\mu-\sigma\) et \(\mu+\sigma\), soit entre \unit{39,7}{} et \unit{44,1}{\centi\metre}.
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Pour aller plus loin, il faut voir l'ensemble complet des mesures qui pourraient être faites dans le cadre d'une loi physique donnée comme une population qu'on ne pourrait étudier qu'à partir d'échantillons partiels extraits de celle-ci. Imaginez la population de tous les éléphants existants sur la Terre. Pour l'étudier, il faut en prélever un ou plusieurs échantillons dont les propriétés peuvent être différentes de celles de la population. Par exemple, la masse moyenne de la population des éléphants peut être différente de celle d'un échantillon d'éléphants pris par hasard obèses. La science des probabilités et statistiques dispose d'outils pour caractériser les échantillons, mais aussi pour en déduire les caractéristiques des populations. Mais cette science, qui repose sur les probabilités, est malheureusement hors du cadre de cet ouvrage.
\section{Incertitude}
Avec les écarts, on étudie la répartition de mesures réalisées. Du point de vue des probabilités et statistiques, on parlera des propriété d'un échantillon de mesures relatives à une loi donnée.
\medskip
Avec les incertitudes, on va s'intéresser à l'évaluation des capacités des instruments de mesures. Ces deux domaines n'ont rien à voir l'un avec l'autre, si ce n'est qu'ils sont les deux nécessaires à la réalisation des expériences de physique. Le problème est que l'évaluation de la qualité de mesure des instruments nécessite des méthodes de probabilités et statistiques. Cette évaluation peut donc devenir complexe si on entre réellement dans les détails.
Nous en resterons ici à un niveau aussi simple que possible en admettant qu'il soit possible d'évaluer la précision d'un instrument de mesure sans avoir recours aux statistique pour le calibrer ou que cette calibration ait été réalisée par ailleurs et soit disponible.
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Imaginons donc la mesure de la longueur d'une feuille A4 à l'aide d'une règle. La présentation de cette mesure est la suivante~:
\[L=L_m\pm I(L_m)\]
où, \(L\) est la grandeur, \(L_m\) sa valeur et \(I(L_m)\) son incertitude absolue. Par exemple, une mesure pourrait donner~:
\[L=\unit{29,0}\pm\unit{0,2}{\centi\metre}\]
L'origine de l'incertitude absolue peut être de diverses nature~:
\begin{enumerate}
\item une estimation de la précision suite à la lecture visuelle sur la règle selon sa graduation, la distance à laquelle ou l'angle sous lequel on la regarde, \dots,
\item une information du fabriquant qui a réalisé des tests approfondis,
\item une étude statistique à travers un ou plusieurs échantillons sur une mesure identique, etc.
\end{enumerate}
Conformément à ce que nous avons dit plus haut, on ne considérera pas le dernier point.
\medskip
Admettons maintenant qu'on réalise aussi une mesure de la largeur de la feuille, mais avec une règle différente, et obtienne~:
\[l=\unit{21,1}\pm\unit{0,3}{\centi\metre}\]
\subsection{Addition/soustraction}
Que pouvons-nous dire alors de la circonférence de la feuille ?
Mais qu'en est-il de son incertitude ? Pour la connaître, on va calculer l'incertitude absolue de la somme de deux grandeurs en déterminant les maximum et minimum de celle-ci. Formellement, si~:
Mais qu'en est-il de son incertitude ? Pour la connaître, on va calculer l'incertitude absolue de la multiplication de deux grandeurs en déterminant les maximum et minimum de celle-ci. Formellement, si~:
Pour autant que l'incertitude soit nettement plus petite que la grandeur qui lui correspond, le terme \(I(l_{1m})\cdot I(l_{2m})\) est très petit devant \(l_{1m}\cdot l_{2m}\) et donc il est possible de négliger le dernier terme. Dans ces conditions~:
L'incertitude relative, comme expression de l'incertitude absolue rapportée à la valeur de sa grandeur, représente un incertitude sans unités qu'on peut exprimer en pourcents. En utilisant l'incertitude relative, l'expression de l'incertitude d'une multiplication de deux grandeurs devient alors bien plus simple~: